Les chaînes Danger ou mode ?

Entretien avec Yannick Mazette, Président du Groupement des Boulangers-Pâtissiers de Vaucluse (84).

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La Toque Magazine (LTM) : Comment voyez-vous la percée des chaînes de boulangerie ? Yannick Mazette (YM) : « Ces sociétés de boulangerie ont su trouver une opportunité de développement qu'elles exploitent très bien. Nombre d'entre elles ont une politique d'offre commerciale. Elles rentabilisent sur les volumes et les coûts de production. Il est vrai qu'elles concurrencent sévèrement les artisans, mais aussi la grande distribution et les terminaux de cuisson ! Plutôt que de se plaindre, il faut voir pourquoi elles réussissent. Le département de Vaucluse et la région PACA figurent parmi les territoires qui ont le taux de chômage le plus élevé. Ce n'est pas un hasard si ces enseignes se développent ici. C'est un enseignement pour nous ! »

LTM : Aller sur des offres de type « 3 + 1 gratuit » est-il une piste à suivre ? YM : « Non, à mon sens, il ne faut pas donner un sentiment de gratuité. Par contre, faire des remises ou des promotions : oui ! Et notamment en semaine pour renforcer le trafic en magasin. De manière plus générale, il est nécessaire de réfléchir autrement dans la manière de concevoir son offre, notamment en élargissant les gammes avec des lignes « premium » et « 1er prix ». Les tarifs peuvent être ajustés en fonction de la cible, de la gamme et du coût de production. Il s'agit surtout d'adapter son commerce à la population que l'on veut toucher. Aujourd'hui, l'artisan est appelé à réfléchir en entrepreneur. Toute entreprise doit maîtriser son environnement et son marché. »

LTM : Estimez-vous déloyal qu'elles arborent la dénomination « boulangerie » alors qu'elles proposent de la pâtisserie industrielle ? YM : « Non, ce n'est pas déloyal car elles respectent la législation. Et celleci porte sur le pain uniquement. On ne peut pas interdire ces commerces sous prétexte qu'ils nous font du tort. D'ailleurs beaucoup de chaînes se passent de l'appellation boulangerie... Les terminaux de cuisson et les « maisons » qui ont centralisé la production de pains ont droit de cité, même si leur concept fait très artisanal et que cela met de la confusion dans l'esprit du grand public. Avant de dire que c'est déloyal, il faut déjà voir nos pratiques et faire le ménage chez soi... Mais effectivement, ce sujet préoccupe la profession au moins pour la partie viennoiserie. L'allégation « fait-maison » est une piste légale qui va être lancée en 2013 au niveau national (voir la 4e partie de ce dossier). La voie législative peut aussi être envisagée... Pour aider les entreprises artisanales à se démarquer, la profession a mis en place une nouvelle enseigne « B » (« Boulanger, c'est un métier ») réservée uniquement à ceux qui disposent du code NAF 10.71C (BP artisanales). »

3 baguettes pour 2 euros ou la réponse d'un artisan à une chaîne de boulangerie. Ici, La boulangerie de Sophieà l'Isle-sur-la-Sorgue - 84.

LTM : Le boulanger traditionnel, avec un unique point de vente, peut-il encore lutter ? YM : « C'est une vraie question. La piste du multi-magasins est une voie d'avenir pertinente. Elle permet de se déployer notamment en ouvrant des tarteries-sandwicheries. Ce qui ne veut pas dire que les mono-magasins ne peuvent pas s'en sortir ! L'artisanat est en pleine mutation : il doit se détacher des compétences de « fabricant » pour aller sur celles de « gestionnaire » (voir encadré). Qu'elle soit initiale ou continue, seule la formation peut nous permettre de monter en puissance. Celle des vendeuses est aujourd'hui une priorité. La profession est réputée pour sa capacité d'adaptation. Elle doit pouvoir réussir ! »

Comment se différencier selon Yannick Mazette• Par le Marketing : stratégie d'offre, de prix, de marque ; concept de magasin et merchandising ; communication, animation/offre commerciale ; dynamisation de la force de vente… • Par la Production : innovation, créativité et design des produits ; dynamisation de la main d'oeuvre ; productivité, rentabilité, organisation ; gestion des achats/stocks ; qualité, hygiène et sécurité… • Par les Ressources humaines : politique de recrutement, de fidélisation, de management, de formation (fabrication/vente)… • Par la Finance : choix de la structure juridique d'exercice, gestion des marges et de la trésorerie, rentabilité des investissements, pilotage des ventes et du chiffre d'affaires, santé de l'actif et du passif…

par Armand Tandeau (publié le 7 janvier 2013)

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